Crime, Race et Psychologie Guy Georges et Thierry Paulin

Où est la place de l'homme noir psychiquement malade dans la psychiatrie française? Pourquoi est-il invisible?
Si Georges et Paulin furent décrits comme des "énigmes" par les psychiatres chargés de les étudier, c'est que cette ignorance renvoyait à un fait. L'émergence des deux assassins a représenté un problème inédit pour les médecins dont les théories eurocentrées n'incluent pas la compréhension psychologique des patients afro descendants.
Pourtant, en Angleterre, et ce dès les années 1960, les psychiatres blancs avaient entamé la rédaction de rapports liant crise migratoire des Afro-Caribéens, violence historique, racisme et rejet à un potentiel risque de schizophrénie, de dépression, et de troubles psychiatriques divers.
Guy Georges et Thierry Paulin. Deux tueurs en série que la mère-patrie fracture autant que la mère biologique et nourricière. Si les deux seuls tueurs en série Afro descendants en France ont marqué les esprits, ils furent décrits comme des monstres par les médias en raison de leurs actes horribles et barbares.
Paulin massacra plus d'une vingtaine de vieilles dames, même si la police aurait assez de preuves pour l'impliquer dans près de quarante meurtres entre 1984 et 1987. Pour Guy Georges, plus d'une dizaine de femmes furent agressées, violées, et sept en sont mortes jusqu'à son arrestation en 1998.
Si Thierry Paulin, plus connu comme Le Tueur de Vieilles Dames, devance Guy Georges de très loin quant au nombre de victimes, les deux se reflètent par la vie menée: ils n'ont qu'une année de différence, sont tous deux métis, abandonnés, évoluent dans les années 1980, échappent à la justice, révolutionnent le monde judiciaire suite à leur capture, s'attaquent à des femmes uniquement blanches, ne faisant aucune victime noire. Puis, il y a les rappels étranges dans la vie de l'un et de l'autre. Paulin a pour mère Rose-Hélène Larcher et Guy Georges, Hélène Rampillon. Le père de l'assassin des vieilles dames porte le prénom de Guy.
Toutefois, les deux criminels en série se rejoignent sur un point précis. Ils ne peuvent être compris dans la profondeur qu'à travers la misère de l'expérience noire en France, l'histoire française dans le cadre du post-colonialisme et son envers du décor. Les assassins sont des coupables qui ne sont pas ces "autres", mais les purs produits de la société française sur les plans économique, politique, mais surtout historique.
Paulin représente l'échec de la propagande migratoire antillaise en Métropole, surtout dans le cadre du BUMIDOM, et Georges, incarne l'abandon de ces populations noires oubliées, rejetées mais bien présentes depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Si les jeunes de banlieues des années 90 mettent en lumière l'existence d'un malaise social, Georges et Paulin, par leurs actions, furent les premiers à symboliser la crise d'un groupe noir et métis marginalisé évoluant dans la sphère où les défaillances de l'ère post-coloniale française dominent.
Ainsi, la médecine française cherche à comprendre les deux hommes en prenant appui sur les théories basiques de la psychiatrie, en appliquant les mêmes méthodes d'analyse médicales propres aux patients blancs.
Dans le tabou de la race, et dans une quête à l'universalisme, les problématiques et traumas du Noir sont oubliés.
Dans ce mépris, les psychiatres français ne croient pas en un lien entre la violence de l'histoire noire et la fracture de l'individu malade. Cette étude compare Paulin et Georges dans le cadre de la psychiatrie, mais analyse les profils à travers l'histoire en vue de comprendre la folie qui finit par les ronger.
Si cela n'est pas obligatoire, la lecture de l'ouvrage Thierry Paulin: Une Tragédie Noire (2022, Editions Canaan), serait recommandée car certains détails ne seront pas retranscrits dans ce nouveau travail.