Les Matres Apothicaires de Nancy Au Xviie Sicle

« La Pharmacie a son histoire et ses illustrations, et il nous appartient, à nous, les modernes disciples du vieux Galien, de connaître, pour mieux apprécier notre "art et profession", les annales déjà longues écrites par la vie et le labeur de nos dignes devanciers. Cette étude exige de patientes recherches et pourrait remplir de nombreux volumes. Que chacun de nous, en ses loisirs, apporte sa pierre à l'édifice à construire. Pour notre part, nous nous sommes attaché au dix-septième siècle, non pas avec la pensée téméraire de présenter un travail complet sur cette époque, mais bien plutôt une simple contribution, un aperçu limité, que quelque confrère de bonne volonté, il faut l'espérer, voudra bien reprendre un jour et continuer. Rien ne se crée, comme rien ne se perd, au regard de la science, et les oeuvres sont le fruit du travail collectif accompli souvent par plusieurs générations.
Notre École Supérieure de Pharmacie possède à sa tête un homme actif et distingué, attentif à reconstituer, par le document, la vieille histoire de notre belle profession et à en recueillir les moindres vestiges: nous avons nommé le Dr Louis Bruntz. Il voulut bien faire appel à notre concours, nous exhortant à relever sur les textes anciens les traces de ce lointain passé, en un mot, à restaurer les annales de la corporation des maîtres apothicaires de Nancy ou, du moins, une partie de ces annales. Nous nous rendîmes à ce désir, bénéficiant de précieux encouragements, pour lesquels nous témoignons au Dr Louis Bruntz toute notre reconnaissance.
Notre père, Jean-Louis Monal, avait possédé, pendant de longues années, le coffre ou étaient enfermées les archives de la corporation. Ce dépôt lui échut, en 1864, de son prédécesseur, Charles Demangeot, lequel le tenait de Louis Simonin, fondateur, en 1804, de la pharmacie établie au n° 8 de la rue Jean-Jacques-Rousseau, aujourd'hui rue des Dominicains. Ce Simonin, on peut le présumer, aurait reçu ce legs de Soyer-Willemet, gendre de Remy Willemet, dernier doyen de la corporation. Leur officine était située au n° 29 de la même rue. Après la mort de notre père, survenue le 20 mai 1890, notre famille estima que ce dépôt précieux devait retourner à la collectivité, et, comme les corporations ont vécu, nous offrîmes, en 1893, en mémoire de Jean-Louis Monal, ces vieilles archives au Musée lorrain de Nancy. Elles sont conservées aujourd'hui en sa Bibliothèque, où les érudits peuvent venir les consulter.
Au temps de notre jeunesse -- eheu ! fugaces labuntur anni -- nous nous plaisions à feuilleter et nous nous efforcions de déchiffrer ces registres, hostiles à la curiosité avec leur écriture, souvent impénétrable, du temps jadis. Nous ne prévoyions pas alors que nous devrions un jour les reprendre, les interroger et leur arracher enfin leurs secrets. Ce jour est venu, grâce à la suggestion du Dr Louis Bruntz, et, modeste historien, nous nous sommes attaché à étudier ces manuscrits, dont nous ne soupçonnions guère autrefois la haute importance et, par eux, à écrire un chapitre sur la vie de nos devanciers, heureux de rendre à notre profession, comme à la ville où nous sommes né, ce pieux hommage.
Nous nous faisons un devoir de remercier en particulier M. Hippolyte Roy, qui a bien voulu nous apporter sa collaboration, nous aidant à déchiffrer et à interpréter les documents, puis à les mettre en oeuvre. Ses travaux antérieurs sur le dix-septième siècle, comme sa pratique de la plume, firent de lui un précieux auxiliaire.
Nous exprimerons ensuite notre gratitude au Dr Paul Pillement, à qui nous sommes redevable de certains renseignements, fruits de recherches personnelles; ensuite, pour leur concours ou leurs indications, au Dr Paul Dorveaux, bibliothécaire en chef à l'École Supérieure de Pharmacie de Paris; à M. Justin Favier, conservateur de la Bibliothèque municipale de Nancy, enfin, à M. Pierre Boyé, président de la Société d'Archéologie