'Surveiller et s'instruire'

Sous lAncien Rgime, quelques collectionneurs sont lorigine de muses rserves de fait la trs mince lite de leurs pairs, rudits ou connaisseurs.Certaines collections, intimement lies lhistoire de telle ou telle cit, revtent le caractre de vritables institutions, tandis que les objets du faste du prince participent de la publicit traditionnelle de sa personne. Mais au cours du XVIIIe sicle une proccupation indite defficacit gouverne lide dhritage clair : le constat de collections inaccessibles, mal ranges ou dpourvues de catalogues scandalise ceux qui y voient le moyen de dissiper lignorance, de perfectionner les arts, de rveiller lesprit public et lamour de la patrie. Lutter contre lerreur cest vouloir lever de mmoriaux de toutes les vertus et runir les modles capables dentretenir une fconde mulation. Lanne 1789 inaugure le premier dclassement radical de lhritage dun pays que la mmoire collective condamnera comme vandalisme. Le muse dmocratique en fournit la meilleure justification, qui doit librer lart, restaurer le got et instruire la postrit des principes enfin reconnus par la socit rgnre. Au seuil du dix-neuvime sicle, toutefois, le patrimoine est encore en qute dune dfinition et dun usage rgls. Une fois abandonn le modle charitable et professionnel des coles de dessin dAncien Rgime, comme lutopie des temples des arts et des savoirs dont lutilit napparat gure qu loccasion des ftes officielles, il faut attendre lpisode napolonien pour voir sorganiser une distribution rationnelle des fonds. A compter des Romantiques, et jusquaux dnonciations rcentes de la rification des Lumires, le souci exclusif du legs matriel du pass, mais dun legs dmembr et insignifiant, aux dpens de la mmoire, fit figure de lieu commun de la critique de la modernit. A lheure de lindustrie du patrimoine, le dossier est plus que jamais actuel.